Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Au bout de douze mois de reconversion à la course à pied sans chaussure, j’avais hâte de m’aligner sur des courses “sérieuses” sur route. C’était même l’objectif qui me poussait depuis fin 2010 à chercher des revêtements de plus en plus difficiles et longues, pieds nus. 10k, 15k, puis plus de 20k, pieds nus en sortie. Ainsi, je me suis trouvé, sans rien aux pieds, au départ de Paris-Versailles 2011. Bonne idée, ou pari dangereux ?
Tout d’abord, un conseil. Si vous vous sentez très seul devant un défi qui pourrait mal tourner, veillez à vous entourer de personnes bienveillantes à l’égard de votre folie.
Paris-Versailles 2011 - pieds nus ! Photographe - Maya Sport
HEUREUSEMENT je partais avec mes amis de la Runnosphère, qui m’ont promis (juré/craché) de m’attendre à la fin de l’épreuve. Déjà, Clara, cheftaine de la bande, avait pu procurer des dossards préférentiels pour tout le monde, car elle nous a impliqué en tant que bénévoles lors de la remise des dossards les deux jours précédents. Résultat – une fois les échauffements, plaisanteries et photos en tout genre faits, nous nous trouvions juste derrière les pros quand le départ est donné et notre sas se disperse comme feuilles “arc-en-ciel” poussées devant un vent d’été indien.
Laissons parler mes pieds, car ce sont véritablement mes semelles qui dictent la vitesse, en course, et pas le souffle, à part dans les montées. A vous, les gars !
Paris-Versailles, pieds nus sur le plancher
Bords de Seine – 13,55 km/h en moyen.
Enfin un peu de place pour bouger! Départ donné, le sas se vide en quelques secondes, sans chahut. Quai Branly, Quai de Grenelle, le revêtement est lisse et frais, un bitume peu granuleux sans le moindre débris sur plusieurs kilomètres. ENFIN un terrain de jeu digne de ce nom – marre de ces trottoirs pourris avec des cailloux ou pire que notre propriétaire nous oblige à parcourir mois après mois, soi-disant pour nous endurcir… Nous les pieds, on adore ce passage, slalomer (poliment !) entre les coureurs chaussés, en faisant attention à ne pas les brusquer, car ils ne nous entendent pas venir, dans le vacarme ambiant créé par leurs runnings et de leurs cris d’enthousiasme.
Au début, nous ressentons une légère gêne sous la deuxième métatarse du pied droit, mais c’est juste un peu de raideur et manque de circulation – tout va bien au bout de 2 km environ. Nous nous amusons à doubler parfois sur les “haricots”, chose que notre chef ne pouvait pas faire du temps qu’il faisaient des courses à bord de son vélo…
Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Nous craignions de nous cogner les orteils contre une bouteille d’eau au premier ravito, mais quasiment personne est passée avant nous, alors il n’y a que quelques flaques. Heureusement, car chef manque de se noyer en drainant sa bouteille, et la moitié tombe sur nous – pas désagréable, vu qu’il fait quasiment 20° à 10H20…
Encore un passage sur l’îlot du rond-point, histoire d’épater les enfants du patron, et puis…
Cote des Gardes, Avenue du Château, Avenue Berthelot – ascension en Forêt de Meudon – 10,69 km/h
…revêtement granuleux, nous aimons moyennement, mais c’est à ça que nous nous sommes entraînés depuis 10 mois, et nous résistons facilement. Un brin faignants, nous prétextons des contournements de coureurs agonisants pour trouver des passages plus agréables. Tiens, parlant d’agoniser : curieusement, notre chef “lève le pied” (on déteste cette expression, au faite) et ne dit plus rien, ne salue plus la foule, sauf des enfants ici et là, qui font de la musique… On commence même à s’ennuyer un peu, tellement ça va lentement.
Ouf, un nouveau revêtement, grand classique en région parisienne – les gros pavés en granite, large comme nous, les pieds. On en raffole, de ça – c’est rafraîchissant, lisse, comme un massage express pour redonner de la vigueur à notre patron, qui semble en avoir bien besoin. Marrant, ces familles postées au bords de l’Avenue du Château à Meudon – très… réglo, et surtout, très surpris de voir un gars porté par deux pieds, à la place des chaussures 😉 Là on est très fier, même s’il y a des pieds plus beau que nous !
Avenue Marcellin Berthelot, notre chef requinqué tente de doubler une grappe de coureurs par la gauche, sur le trottoir – mais il gère ça comme un pied (autre expression qu’on déteste) et se retrouve tout rouge et au ralenti, ce héros… Heureusement pour lui, c’est bientôt la fin de la montée, et une section de goudron juste à la bonne température, chauffé par le soleil matinal, nous remonte le moral. Faut dire que nous sommes vraiment préoccupés par le traquenard qui nous attend, droit devant !
Forêt de Meudon, Côte du Cimetière – 12,08 km/h
Dans un premier temps, la Route Royale, c’est à peu près ça pour les pieds, nous trouvons facilement moyen de contourner les quelques nids de poule et goudron crevassé. Patron remercie gentiment les bénévoles scouts qui tendent de la nourriture – enfin, qui font tomber quantité de cubes de sucre (??) sur notre chemin, mais c’est rigolo, ça croustille quand on les écrase ! Besoin de rien, nous non plus, si ce n’est que d’en finir avec le prochain passage littéralement “casse-pieds” …
Quand nous retrouvons la Route Royale quelques kilomètres plus loin, après être passé sous la N118, le patron n’a cesse de passer les sandales de course (huarache) d’une main à l’autre. Les nous mettra-t-il, ou pas ? Il pensait malgré tout à notre santé, car nous devrons encore le (sup)porter dans plusieurs épreuves dans les deux mois à venir. Nous, on est chauffé à blanc, prêt à livrer bataille contre les trois périls qui attendent les (sans doute) rares barefooteurs lors de cette course…
En faite, la Route Royale perd tout de sa splendeur pendant au moins 2 kilomètres, à partir du 10ème kilomètre. En pleine forêt, d’un coup, c’est la route forestière, presque 1000 mètres de revêtement d’enfer : gravillons pointus, puis un tronçon d’ancienne route rongé par le temps. Parfois nous arrivions à trottiner timidement sur le bord du chemin, l’oeil du patron rivé sur les feuilles mortes pour déjouer les pièges. A d’autres endroits il fallait subir les cailloux, tout trajet “raisonnable” étant exclu. La le patron veille strictement à courir les genoux fléchis, histoire d’éviter de nous taper dessous avec le poids du corps. Déjà que nous courons sans rebondir, dans l’urgence, là il faut encore plus bannir tout mouvement vertical. Finalement, ça va – pas d’ecchymoses des métatarses…
Pas le temps de dire OUF, nous galopons déjà sur la Route des Fonds de la Chapelle. Et là deux nouveaux dangers guettent. Primo, des “oursins de forêt” (bogues de châtaigne) nous attendent en pleine chaussée pour nous piquer ! Ça passe, chef se concentre et slalome entre les rares oursins pas encore aplatis par les chaussures des coureurs plus véloces que nous…
Secundo, un deuxième danger inconnu aux coureurs en chaussures amorties – la descente rapide vers Viroflay. Pittoresque, oui, mais périlleux pour nous, car nous devons à tout prix éviter de fracasser nos talons contre le sol. Nouveau fléchissement des genoux, cette fois pour tendre le talon d’Achille, ce qui nous aide à réceptionner le sol sur le devant du pied. Crevant pour les cuisses, et pour notre patron qui n’a point l’habitude de courir en descente – franchement lent. Mais il reste plusieurs kilomètres à parcourir, et les bogues de châtaigne songent à se venger de leur mauvais traitement – alors prudence.
Heureux d’avoir surmonté ces trois épreuves, nous nous engageons dans la Rue de la Fontaine, pour enchaîner une série de montées et descentes sympathiques qui ne manquent pas de rappeler les fins de course au patron. Tout à coup, le coureur qui nous talonnait depuis un moment nous lance une petite réflexion sur le manque de sérieux de notre pratique. Hop, il ne fallait que cela comme prétexte – grosse accélération, ce qui coupe court à tout échange 😉 Sacré patron – il n’a pas la peau très épaisse (pas comme nous) ! Un gars très véloce nous lance un “à la kényan !” admiratif en passant, pas le genre de compliment à nous déplaire, d’ailleurs …
Une pensée émue pour nos 40 000 amis séquestrés dans leurs lourds couffins (jeu de mot pourri de “Foot Coffin” balancé par certains fanas du barefooting aux États-Unis) alors que chef passe la Côte du Cimetière sans flancher 😉
Route du Pavé de Meudon, Avenue de Versailles – 12,36 km/h
Ultime passage – la fatigue gagne notre propriétaire. Route du Pavé de Meudon, nous composons avec une surface rugueuse et truffée de dos d’ânes susceptibles d’asséner un méchant coup aux orteils. Pas le moment de s’endormir. Remercions plutôt notre patron de nous avoir débarrassé de chaussures, car les courses pieds nus permettent d’épargner quantité d’énergie au coureur. Cela se traduit par une nouvelle accélération suite aux encouragements de Malcolm et sa bande au kilomètre 14. Oups, fausse alerte, car l’Avenue de Versailles, déjà longue en bicyclette, est carrément redoutable à pied, quand on est entouré de centaines de coureurs en état de fatigue avancé.
Pendant que notre propriétaire ralentit pour faire son intéressant devant les trois rangées de photographes, nous, on reste en mission, car la ligne d’arrivée n’est même pas visible, a des centaines de mètres plus loin. Exténué par ses efforts de comm, il faudra plusieurs avertissements des bénévoles pour qu’il s’oriente enfin vers la portique de gauche.
Total course – 12,3 km/h, en 1h19mn52s, soit 04:52 min/km.
Rigolo de trouver de la moquette en pleine rue, mais nous savourons cette petite douceur comme s’il s’agissait d’un tapis rouge – ravis d’avoir enfin terminé une vrai grande course, sans céder à la tentation des huarache pour les passages délicats.
Paris-Versailles 2011 - pieds nus ! Photographe - Shuseth
Un peu plus loin, à “Rome” nous retrouvons les nombreux membres de la Runnosphère qui attendaient comme promis les derniers arrivés. Avec la chute du taux d’adrénaline, nos semelles deviennent de plus en plus sensibles. Enfin, le patron nous passe doucement les sandales de course pour nous reposer … avant de rentrer 9 kilomètres en courant, lors de la deuxième sortie de la journée ! Euh – merci, chef !
…
Et je remercie donc mes deux pieds, qui m’ont rendu de fiers services, et qui étaient totalement rétablis de leur exploit, 24 heures plus tard ! Pas comme les mollets et les cuisses, qui ont eu besoin de trois jours de repos avant d’être à nouveau prêt à courir 😉
Remerciements également aux membres de la Runnosphère, qui on transformé ce qui eut été une expérience très solitaire sans compagnons de route, en sortie festive entre copains et copines de course !
Paris-Versailles 2011 – Récits de la Runnosphère
Voici les autres récits (ou blogs au cas échéant) des autres participants de la Runnosphère. Me faire signe si vous avez ajouté un article sur Paris-Versailles 2011 🙂
Résultats de Paris-Versailles 2011 – Classement officiel
Résultats Paris-Versailles 2011 Pieds Nus Christian "Barefooteur"
Photos de Paris-Versailles, pieds nus
Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Paris-Versailles 2011 - pieds nus ! Photographe - Maya Sport
Paris-Versailles 2011 - pieds nus ! Photographe - Maya Sport
Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Paris-Versailles 2011 - pieds nus !
Paris-Versailles 2011 - pieds nus ! Photographe - Shuseth
Voir également les photos de coureurs pieds nus et en chaussures minimalistes de Paris-Versailles 2010…
Vidéo de Christian “Barefooteur” sur Paris-Versailles 2011
[A venir]
Paris-Versailles – Tracé de la course
https://www.dailymile.com/routes/875805-running-route-in-paris-fr
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Magnifique récit d’une grande première !!
Superbe course toute en « sensibilités », j’en ai aimé chaque description… Bravo Christian pour ta préparation durant tous ces mois, pour le temps que tu as réalisé et pour l’excellent état dans lequel tu es arrivé !…
Tu viens de prouver que le barefoot running est possible sans blessure, et que l’on peut mener à son terme une course très « technique » dans des conditions particulièrement honorables !…
On ne peut que te souhaiter le meilleur encore pour les prochaines courses au cours des mois qui viennent, et particulièrement ce 20 km de Paris qui était ton objectif en ligne de mire !…
Encore bravo !…
Bravo pour ton résultat et ce super compte-rendu !
Une de mes copines m’a dit que tu l’avais dépassée, tu n’es pas passé inaperçu : « pieds nus avec des tongs à la main » m’a-t-elle dit :))
Bonne continuation pour la prochaine course !
Un récit original, un patron a l’écoute de son corps ! courir pour le plaisir… Bravo,
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bravo christian, super course, super chrono et CR original !
bonne récup à toi et tes pieds 🙂
Bravo christian ! sympa le récit vu d’en dessous 😉
PS : Le CR de Noostromo et le mien sont dispo ausi.
Superbe récit! A te lire, cette course devait vraiment être le pied! Bravo pour cette longue course pied nus avec un beau chrono en plus! A quand la prochaine?
Superbe CR !! J’adore !
Je vois que nous avons eu la même idée de faire parler les « vrais » acteurs sur cette course.
Encore bravo pour ta perf !
Je pensais qu’on serait plus nombreux à courir pied-nus cette année vu la publicité qui avait été faite dans les média.
Bravo pour le km de route forestière, moi cette année à cet endroit, j’ai remis mes tongs
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J’adore ce récit, tes pieds ont une belle plume !!
Je viens d’un pays où les « oursins de forêt » sont légion, tu y serais malheureux en automne… Quant à moi j’ai changé de couffins pour de plus légers (Brooks Green Silence) et ma foi, j’ai moins mal au genou.
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[…] les coureurs équipés de chaussures minimalistes n’étaient pas pléthores (alors quid, des nu-pieds, espèce ô combien plus rarissime !). Ils/elles s’appellent Sandra accompagnée de sa fille, […]