Christian "Barefooteur" avec ses huaraches sur l'EcoTrail 30K 2012 - Sylvie Pham Van, Photographe
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il m’arrive de courir chaussé. Certains revêtements mon sont interdits – en pleine forêt, par exemple, sur les pierres et les bogues de châtaigne… Peut-être avez-vous entendu parler des sandales de course ? Non ? LA solution minimaliste depuis des millénaires, adoptée par divers populations autochtones bien avant que les runneurs occidentaux s’y intéressent. J’en ai parlé à plusieurs reprises sur le blog, j’ai même effectué des tests de huarache hors route, “pour voir”…
La sandale huarache est constituée d’une mince semelle (2mm) légèrement tenue au pied par une lanière qui passe par-dessus de l’arche, et derrière la cheville. Pas à priori idéal pour participer à un trail de 30 kilomètres… Un beau jour, un ami coureur, un brin taquin, m’a lancé, “Bof, tu feras pas de trail avec tes claquettes…” (je paraphrase). Exactement ce qu’il ne fallait pas me dire.
Départ de l’EcoTrail 30K en huaraches
Me voilà donc le 24 mars, Avenue du Château à Meudon, au départ de l’EcoTrail, variante 30 kilomètres, chaussé de mes huaraches, de chaussettes “arc-en-ciel” et d’un gros doute sur la faisabilité de mon projet. Je ne connais rien au trail, et je n’ai pas l’habitude de courir chaussé, malgré une expérience considérable sur des distances similaires sur route, pieds nus.
Christian "Barefooteur" avec ses huaraches sur l'EcoTrail 30K 2012 - Sylvie Pham Van, Photographe
Dès le départ, l’ancien instinct de course ressurgit – remonter le flot de coureurs autant que possible sur les bords de route, exercice nettement moins périlleuse que du temps de mes courses cyclistes. Rapidement nous entrons dans la Forêt de Meudon. L’autre vestige de mon passé cycliste m’embête : mon sac d’hydratation CamelBak tend à frotter mon cou, et je serre frénétiquement les lanières de part et d’autre, sans réel succès. Tant pis.
La descente trail en huaraches
A l’approche de Chaville, la première grande descente en “single track”. Tiens donc – nous sommes sur les mêmes traces que Paris-Versailles, mais à côté de la route ! Premier constat, je ne me fais pas trop larguer par d’autres compétiteurs, mais cela me coûte cher en terme d’énergie dépensée. Comme une partie d’échecs, je dois composer mon trajectoire avec précision, chaque pas, alternant au besoin le rythme pour “galoper” et slalomer entre les obstacles. Soudain, un bruit de gros gibier (sanglier ??) derrière moi – deux traileurs qui doublent à travers champ, profitant de leur grosses chaussures blindées pour dévaler la pente sans se soucier du trajet. Impressionnant le bruit des impacts – je ressens littéralement trembler la terre derrière moi. OK – j’ai compris – je me range tant bien que mal pour les laisser passer…
La montée trail en huaraches
Bientôt il faut se hisser de la vallée vers les cimes. Ah – gros bouchon. Au début je tente de doubler la file de coureurs, mais je déchante rapidement – même pas 10Km parcourus, il faudra peut-être garder un peu de jus pour plus tard. Je rentre dans le rang, reprend ma respiration, profite du soleil. Mais pourquoi, sur les photos, les traileurs ont l’air de se promener dans les montées alors qu’ils sont là pour courir ? Déclic – il faut économiser l’énergie. Plus personne ne double, fini les petites vannes de début de course 😉
En tout cas, même avec les chaussettes, les sandales accrochent bien sur les différents revêtements, car, sans picots, c’est toute la surface de la semelle qui rentre en contact avec le sol. A moins de 200 grammes la paire, les huaraches ne se sentent pas du tout dans les montées, contrairement à mes jambes, qui récupérer lentement de la descente fraîchement réalisée…
Mon ami Malcolm m’attend à ce moment en haut d’une montée pour gambader à côté de moi pendant quelques instants. Lui connaît bien l’épreuve et m’indique qu’après la prochaine descente et montée (Ville d’Avray) le pire sera derrière moi. Cela me rassure un certain temps, mais je constate au fur et à mesure que je ralentis, que j’ai chaud, que j’ai du mal à reprendre mon rythme après les montées, que le salut semble bien loin… Je commence à me demander si j’avais bien fait de m’engager sur une telle distance en trail, alors que je n’y ai effectué une seule sortie trail en guise d’entraînement.
Le trail en huaraches – plus fatiguant ?
Christian "Barefooteur" avec ses huaraches sur l'EcoTrail 30K 2012 - Sylvie Pham Van, Photographe
A 20 kilomètres, c’est enfin la fin des montées, et l’unique station de ravitaillement surgit sur le parcours. Coca, oranges, pain d’épice – je mange et je bois, espérant ainsi retrouver un peu d’énergie pour continuer. Ça vanne dans mon dos. Normalement je serai plus bavard et spirituel dans mes répliques – mes sandales et chaussettes arc-en-ciel intriguent les autres coureurs, qui posent des questions. Moi, je n’ai qu’une envie : en finir, rejoindre la Tour Eiffel que je pourrais voir si j’avais assez de force pour lever la tête. Scruter le sol, sans arrêt, guetter et déjouer toutes les pièges qui sèment mon parcours. A quoi la faute ? Mon approche minimaliste ou un manque d’entraînement. Pas de jus, tout simplement, une grosse envie de me coucher par terre…
La dernière descente vers la Seine reste gravé dans ma mémoire – en 2011, j’avais galopé, chaussé de mes Kigo Edge, faisant fi des méchantes pierres et les racines. Pas cette année. Mes huaraches ne permettent aucun écart, ne protègent que des objets tranchants avec leur semelle très fine. Et mes cuisses sont tellement fatiguées que je n’arrive plus à maintenir une foulée efficace. J’attaque à plat, voir par le talon, et cette fatigue se trahit par un bruit de plus en plus prononcé des semelles qui claquent contre le sol.
Interminable, la dernière ligne droite (encore que) qui amène le flot de coureurs vers la Dame Grise. Je laisse passer des dizaines de coureurs sans même essayer de les rattraper. Le soleil pèse lourd pour un mois de mars, ça débord sur la route nationale aux alentours d’un chantier, je manque de me faire écraser par une voiture. Heureusement femme et enfants me remontent le morale à l’entrée du Parc de L’île St. Germain… A hauteur des bétonneuses près du Périphérique, mon genou droit pique une crise douloureuse, m’obligeant à marcher péniblement quelques instants avant de repartir lentement depuis l’endroit où j’avais retiré mes chaussures en 2011 pour finir pieds nus. Pas de ça cette année – trop fatigué, puis après tout, il s’agit d’aller au bout de mon expérience avec les huaraches.
Christian "Barefooteur" avec ses huaraches sur l'EcoTrail 30K 2012
“Courrez dans la rue !” Ah bon ? Ils veulent notre peau ? Les photographes officiels nous demandent de quitter le trottoir afin de mieux cadrer avec la Tour Eiffel en décoration de fond, toujours désespérément petit à l’horizon. Mais cet incitation curieuse me redonne un peu de pêche – désormais l’arrivée n’est plus très loin, moins d’un kilomètre.
Dernière escalier à monter en marchant (non pas que je sois essoufflé, mais les jambes sont raides), derniers encouragements aux bénévoles et puis j’aperçois le hayon d’arrivée sponsorisé par une marque de running hermétique au minimalisme. Je fais un point d’honneur de courir quelques mètres au delà de la ligne d’arrivée pour bien grappiller deux secondes avant que l’on m’enregistre…
Classement Christian Harberts EcoTrail 30K 2012 en huaraches
Bilan – courir un trail en sandales huaraches
Courir loin en sandales de course est tout à fait possible sur un trail peu exigeant en termes de revêtement comme l’EcoTrail. Je pense que cela correspond le mieux aux habitués de la CAP sans chaussures qui veulent faire du trail sans soumettre leurs pieds aux contraintes d’une “vrai” chaussure de trail. Cependant, le niveau d’exigence est très élevé. Le pied doit être endurci pour ne pas sentir les aspérités qui traversent les quelques millimètres de semelle. En plus, l’arche et les métatarses sont sollicités encore plus que sur route, d’où la nécessité d’une longue pratique pour résister à de telles distances. J’en suis à bientôt deux ans de course sans chaussures…
Je n’ai pas recensé la moindre séquelle aux pieds – pas d’ampoule, pas de douleurs aux ligaments, métatarses, aux tendons, à la cheville. Par contre, mes amortisseurs, les cuisses, ont été mises à rude épreuve, surtout dans les descentes, et m’ont fait très mal pendant plusieurs jours. Curieusement, le tendon à l’extérieur du genou droit ne m’a pas beaucoup gêné après l’effort.
Stéphane a lui aussi effectué l’épreuve dans ses Luna Sandals, apparemment sans problèmes lui aussi. Mais comme moi, il est habitué à courir pieds nus, et utilise quotidiennement ses sandales. Un britannique semble avoir tenté le 80 kilomètres en huaraches, mais il a abandonné après le premier contrôle. Aucune autre chaussure minimaliste vue ou rapportée pour l’EcoTrail. Je pense que le niveau d’exigence écarte la quasi-totalité des coureurs qui pourraient être tenté de courir en minimalistes, et à fortiori des huaraches …
Huaraches après l'EcoTrail 30K 2012, avec les chaussettes trouées
Le seul “dommage collatéral” recensé après ces 30 kilomètres de course était des gros trous dans les chaussettes “arc-en-ciel”, découvert seulement au moment ou j’ai retiré les sandales à la maison ! Pauvres chaussettes, mortes pour protéger mes pieds contre les lanières des sandales
Christian "Barefooteur" avec ses huaraches sur l'EcoTrail 30K 2012 - Photographe Elisabeth Harberts
En conclusion, j’ai souffert par manque d’expérience et d’entraînement, mais pas à cause de mes sandales. Cinq minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée, j’avais déjà oublié la souffrance et rêvait à d’autres épreuves en sandales ! Petit plus, j’ai bien l’impression que j’ai trouvé mon “look” de traileur à la traileuse Catra Corbett !
Les amis, et blogueurs de la Runnosphère
Stéphane, autre comparse en sandales huarache, à également relevé le défi, avec succès, et j’en suis ravi !
Sylvie (Sydoky) était présent à Meudon pour le départ du 30K et a pris de très belles clichés à cette occasion avant de pédaler à travers la Forêt de Meudon pour en prendre d’autres.
Malcolm (Running for Pearl) m’a honoré de sa présence dans la Forêt de Chaville, effectuant même quelques pas à mes côtés le temps de me prodiguer de quelques conseils pour la suite ! Cela signifie également qu’il est prêt à recourir, excellente nouvelle !
Jean Pierre Run Run m’a remonté le morale après l’arrivée – nous avons déjeuné ensemble et échanger sur nos impressions – cela semble essentiel d’évacuer les impressions après une expérience aussi difficile…
Laurent, rencontré peu après la ligne d’arrivée, était le premier à m’aider à revenir dans lee monde des gens qui ne courent pas (après avoir lui-même survolé les 30K grâce à sa préparation pour le Marathon de Paris.
Mes enfants et ma femme m’ont redonné le courage de poursuivre jusqu’à la Tour Eiffel, très gentil de venir me soutenir à l’heure ou le ventre crie famine !
Les récits de autres membres de la Runnosphère
Sydoky – Eco Trail de Paris 2012.Photos du 80 km à Meudon.
Jahom – Eco-trail de Paris 2012, le jour le plus long
Giao – Resultats de l’Eco-Trail de Paris 2012
Sebrom – EcoTrail 2012 – Version 50km
Jean-Pierre Run Run – We can try (week end trail)…
Et peut-être d’autres récits…
Et bien bravo pour cette expérience et ton résultat !
Dommage pour tes chaussettes :))
A bientôt 😉
Superbe défi et relevé de main de maitre !!
Chapeau !!
Super récit Christian ! J’avoue j’ai pris du plaisir à lire que tu en chiais 🙂 on a pas l’habitude de lire ces mots chez toi !
Bravo ! Tres bon CR !
Et RESPECT !
Beau récit Christian et belle perf!
Et merci pour le passage me concernant.
Ce trail fut une très belle expérience.
J’ai plus souffert des pieds que toi (sans chaussettes ca finit par irriter!) mais je n’ai pas trop souffert des cuisses.
Encore bravo!
toute l’admiration d’un débutant. et beaucoup de jalousie de voir que ta petite famille te suit… il neigera en août lorsque « petite chérie » se mettra à m’encourager… lol
Déjà réussir à ne plus reçevoir de critique ce sera un pas extraordinaire de franchis mais il lui faudra encore du temps 😉
Mes parents (surtout mon père) ont mis plus de 20 ans à « tolérer » mes extravagances (parait-il…)
aaaaah le bonheur d’être soutenu…
Enfin… vraiment bravo !!
bravo Christian !
Pas évident d’accumuler la difficulté de la distance avec celle du terrain et tu t’en es vraiment bien sortie.
Pour avoir fait quelques sorties en VFF (bikila) dans les bois, c’est clair qu’il faut être vigilant (plus qu’avec les TrailGlove) pour ne pas y laisser un orteil où se faire planter la plante 😉
ça devient surtout difficile avec la fatigue où on peut parfois perdre un peu de lucidité et devenir feignant sur ses placements de pieds quand le terrain monte et descend tout le temps.
Peut-être aussi que tu étais trop habitué au goudron tout lisse 😉
J’espère qu’on arrivera à faire une sortie dans ma forêt d’ici cet été !
Avec les beaux jours, je vais commencer à m’attaquer moi aussi à des revêtements plus irréguliers en allant courir en forêt et ces sandales à fabriquer soi-même me tentent bien. J’ai juste un peu peur qu’un caillou ou un autre élément vienne se glisser entre la semelle et la plante du pied et ne me blesse.
Sinon, pour les courbatures, je prends un bain de pieds chaud avec du jus de citron dedans, l’équivalent d’un citron pendant 1/4 heure, 20 minutes, après la course, c’est très efficace. Au début quand j’ai commencé à courir minimaliste, les douleurs au mollets, très fortes étaient très décourageantes et ces bains de pieds ont fortement amélioré ma motivation.
felicitations christian
j’etais sur le 18 km avec mes fives fingers ^^.
J’aurais bien voulus etre aux deprts du 30 km mais plus de place quand je me suis inscris.
Super recit
comme le dit julien faut regarder ou l’on met les pieds :p
p.s : urbantrail 38 km aussi mais j’ai un peu neglige le ganage de mes cuisses , les descentes de lyon font mal
Hello Christian,
Grosse performance ! Bravo pour cet exploit : l’an prochain le 50 ?
Sans doute à très vite à Issy ou dans le bois un de ces midis !
[…] Récit complet […]
Excellent récit, bravo Christian !
Eh oui, chaussé ou non, le trail, c’est pas facile 🙂 Et je trouve la distance 30km assez ingrate, parce que pour peu que tu aies un peu envoyé (et par manque d’habitude du trail tu as sûrement sur-consommé de l’énergie), tu arrives dans le « mur » des 3h juste avant l’arrivée. Donc les derniers km ne sont pas évidents, j’en ai fait l’expérience sur l’Ice Trail.
Penses-tu que si tu pourrais / aurais pu faire cette course pieds complètement nus ?
[…] sortie dans les quartiers et parcs autour d’Issy-les-Moulineaux. L’un d’entre eux venait de courir 30 kilomètres en sandales huarache lors de l’EcoTrail. Une autre enchaine les courses de 10 kilomètres en Vibram FiveFingers, et encore une autre […]